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 Les Matières Premières d'Origine Synthétiques  

 

Sans les aldéhydes le N°5 de Chanel n'aurait jamais vu le jour et sans l'hédione Edmond Roudnitska n'aurait pas composé l'Eau sauvage ! Ces affirmations en surprendront certains, d'autant qu'il a été dit tout et n'importe quoi sur l'utilisation des produits de synthèses en parfumerie. S'il pouvait paraître présomptueux de vouloir reproduire ce que la nature élabore avec tant d'harmonie et de patience, ce fut pourtant la sagesse qui guida les chimistes du XIXe siècle.
Qui connaît aujourd'hui les noms de Perkin, de Tiemann, de Baur, de Darzen, de Ruzicka, de Blanc ou de Bouveault ?
Ce sont pourtant ces hommes qui ont permis aux parfums modernes d'exister. Car avant que la chimie des odeurs ne fasse ses preuves, le parfum était composé de matières premières naturelles de qualité, constituant presque des parfums en elles-mêmes, que le parfumeur mélangeait de façon simple, en accord avec ses inclinations artistiques. Le prix du parfum ainsi obtenu en limitait la diffusion et, hormis quelques extraits et les eaux de Cologne, le parfum demeurait un luxe réservé aux classes privilégiées.

On estime que de 2000 à 3000 produits environ sont reconstitués par la vois de la synthèse. C'est le cas du lilas, qui, sans la chimie, n'aurait jamais fait son apparition dans es compositions parfumées. A partir de 1930 quelques chimistes, qui n'étaient pas des parfumeurs, entreprirent des recherches que la matière odorante naturelle. Il s'agissait tout d'abord d'isoler dans les huiles essentielles de plantes les éléments qui paraissaient les plus intéressants. C'est ainsi que le géraniol, à l'odeur de rose fut tiré de l'essence de citronnelle grâce à ce que la chimie appelle la distillation fractionnée et que le menthol fut extrait de l'essence de menthe par cristallisation.
On donna à ces substances le nom d'isolats. A l'issue de cette première étape, force fut de constater que nombre de composants aromatiques de la manière naturelle ne pouvaient être isolés, soit parce qu'ils étaient présents en infimes quantités, soit parce que leur séparation aurait été trop coûteuse, comme dans le cas  de la vanilline dans la vanille. Grâce à l'hémisynthèse, les chimistes créèrent ces substances à partir d'un élément tiré d'une essence végétale. L'isolation du terpène dans l'essence de pin donna par exemple le terpinéol, employé dans les accords lilas
Ces résultats poussèrent alors les chercheurs à essayer de recréer les corps non plus à partir d'une matière végétale, mais à partir d'une matière fossile, telle que le pétrole ou le charbon. Il y parvient grâce au procédé de la synthèse: la filiation du benzène permit d'obtenir l'alcool phényléthylique, au subtil parfum de rose, celle du toluène, l'acétate de benzyle, à l'odeur de jasmin, l'acide salicylique fut le point de départ de la synthèse de la coumarine, un corps nouveau qui ouvrit la voie aux parfumeurs de type fougère...
Non contents de produire des molécules identiques natures (I.N.), les chimistes inventèrent des molécules odorantes artificielles, à la grande joie des parfumeurs, pour qui de tels produits constituaient une véritable révolution.
L'héliotropine devint un élément important de toutes compositions dites ambrées; la vanilline permit à Guerlain de créer ses plus beaux parfums; les quinoléines, à l'odeur de cuir et de fumée offrirent à Chanel son Cuir de Russie, les muscs de synthèse, avec leurs accents chauds et tenaces, furent utilisés en notes de fond dans les compositions, où ils constituèrent d'excellents fixateurs; les ionones reconstituèrent le parfum de la violette...
Autrefois distillé, l'oeillet bénéficie également d'une reconstitution synthétique.
Rebelle à toute distillation ou extraction, le muguet est pourtant présent dans nos parfums préférés grâce à l'hydroxycitronellal, le linalol et le farnésol...

Enfin, de la réduction des acides gras naquirent les aldéhydes, dont l'odeur violente et parfois nauséabonde découragea dans un 1er temps les parfumeurs. Il fallut l'audace de Coco Chanel et de son «nez» Ernest Beaux pour que ces produits soient utilisés dans un parfum. Ce fut le légendaire N°5. Depuis la fin de la 2eme guerre mondiale, l'analyse chromatographique - un procédé qui permet d'identifier une molécule présente dans un mélange odorant et d'en calculer la proportion - offre des terrains d'invetigations passionnants sur les molécules présentes à l'état de traces dans les matières premières naturelles.

 

Dernière révolution de la parfumerie; la technique du headspace constitue une source d'inspiration nouvelle et inépuisable pour les parfumeurs à la recherche d'accords nouveaux. Les parfums «vivants» sont piégés dans une bulle en verre et reliés à un appareil qui permet d'analyser leurs composants moléculaires. De leurs côté, les chimistes ont continué sur leur lancée avec des produits tel que l'hédione, sans laquelle l'Eau sauvage de Dior n'aurait jamais vu le jour. De même, les damascones et les damascenones nous ont offert Les Jardins de Bagatelle de Guerlain et Paris de Yves Saint Laurent
Depuis quelques années les chercheurs bénéficient d'une technique révolutionnaire, le headspace, qui permet de piéger in situ une fleur, un arbre ou une atmosphère parfumée et d'obtenir en quelque sorte leur carte d'itendité en identifiant les molécules qui les composent. Cette technique est très utile pour les fleurs qui ne sont pas encore exploitées en parfumerie, telles que les orchidées ou les fleurs de glycine, et pour les parfums d'ambiance (odeur d'un sous-bois, parfum d'un bord de mer...). Elle permet également d'approcher au plus près les odeurs représentatives de la nature à tous les stades de son développement,, ce qui n'est pas toujours le cas des huiles essentielles et des essences, absolues, dont le parfum est souvent éloigné de l'odeur des plantes à l'état naturel.
En 1952, le grand compositeur-parfumeurs Ernest Beaux affirmait : «C'est sur les chimistes qu'il faudra compter pour trouver des corps nouveaux grâce auxquels pourraient éclore des notes originales. Oui, pour le parfum, l'avenir est surtout entre les mains de la chimie.»
Plus de 40 ans après, ses propos sont toujours d'actualité: la science s'est mise au service de la parfumerie sans renier la nature, mais en s'y associant avec discernement.
Véritable «tamis à odeur» relié à un ordinateur, le chromatographe permet au parfumeur de connaître précisément les constituants chimiques d'un parfum.

 


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