De la Fleur au Flacon |
Il est intéressant de constater que ceux qui parlent le mieux du parfum - «nez» de renom, cultivateur de champs de roses des plateaux grassois, amoureux inconditionnelles d'une seul fragrance, fabricants de matières premières - établissent immanquablement des corrélations entre parfum, cuisine et musique, évoquant en vrac notes, ingrédients, temps de repos, gamme, glaçage, harmonie...
Sans doute parce que ces activités, très différentes en apparence, mêlent apprentissage et intuition, respect de règles (partition, recette, formule) et improvisation, techniques toujours plus sophistiquées et savoir-faire traditionnel.
Le long chemin qui va mener le parfum de la fleur au flacon commence avec la qualité des matières premières. Une mauvaise récolte de roses, abîmée par les pluies ou l chaleur, est aussi catastrophique pour le parfumeur qu'une mauvaise récolte de raisin pour le viticulteur.
Cette exigence de qualité est la même avec la chimie: de mauvais produits feront de mauvais accords. Elle se poursuit avec les techniques de fabrication. Il a fallu des siècles pour que l'homme puisse maîtriser les mécanisme qui permettent d'otenir, des essences de plantes. Il a fallu l'aide de la science pour qu'il puisse recréer artificiellement ce qui existe à l'état naturel et que, mieux encore, il puisse donner à des parfums l'odeur de la mer, de la rosée du petit matin ou du chocolat chaud...
Qu'y a-t-il en commun entre
cette femme comorienne qui, dès l'aube cueille la fleur si précieuse de l'ylang-ylang,
cet homme qui voit défiler sur un écran d'ordinateur la définition moléculaire d'une
fleur de glycine et cette ouvrière d'usine qui, avant de les emballer, essuie un par un
les flacons d'un parfum coûteux ?
C'est cette chaîne du monde entier qui fait du parfum une substance si prisée, à la
fois élitiste et universelle, éminemment personnelle et pourtant livrée à l'odorat
collectif. La parfum est tout cela, mais surtout ce que la mémoire de chacun veut bien en
faire.