Mélusine |
Femme ravissante jusqu'au nombril avec une
queue de serpent dont elle déploie magnifiquement les écailles et sur son dos
s'attachent de vastes ailes de démon. On la trouve partout en France mais surtout à
Lusignan, en Vendée, tout le long de la Loire et de la Gironde. On la retrouve également
en Belgique, protectrice de la maison de Gavre. Elle se montre souvent dans les édifices
qu'elle a elle-même construits, à Mervent, Vouvant, Saint-Maixent, Talmont, Parthenay.
Mélusine signifie «merveille» ou «brouillard de la mer». Les mythologues y
voient la Mater Lucina romaine qui présidant aux naissances ou, plus antérieure, une
divinité celte aux formes serpentes. Mélusine est surtout une Fée bâtisseuse, elle
uvre au clair de lune avant le chant du coq. Si un curieux la surprend à l'ouvrage,
elle arrête l'achèvement; il manque de cette façon une fenêtre à Merrigoute, la
dernière pierre de la flèche de Niort et de l'église de Parthenay.
Il y eu jadis un roi en Albanie (Écosse),
ce roi s'appelait Elinas et fut très puissant. Or un jour chassant par la forêt, il
s'approcha d'une fontaine, et aperçut la plus belle dame qu'il eût vu à ce jour et la
salua bien humblement.
«Ma chère dame, je désire plus que tout avoir votre bon amour et votre bonne
grâce.»
-Donc si vous me voulez prendre pour épouse jurez que vous ne chercherez jamais à
me voir au temps de mes couches.» Ainsi parla la Fée Persine. Ils se marièrent, furent
heureux et eurent 3 filles. La première née eut pour nom Mélusine, la seconde Mélior,
la troisième Palestine. Mais Mataquas, fils du premier lit d'Elinas, qui était fort
jaloux, força son père à se parjurer en le poussant dans la chambre où Persine
baignait ses trois petites: «Faux roi , tu as manqué à ta parole, cria la mère avec
horreur, il t'en mésadviendra, tu m'as à jamais perdue!»
Quand Persine su fur séparée d'Elinas,
elle se réfugia avec ses trois filles en Avalon. Elle les y éleva jusqu'à la quinzième
année, les menant tous les matins sur une haute montagne nommée Elénos - la Montagne
fleurie, d'où elle pouvait apercevoir la lointaine Albanie.
«Filles, voyez là-bas où vous êtes nées et où vous auriez eu votre sort sans la
fausseté de votre père qui vous a réduites à une grande misère sans fin.» Et chaque
fois elle répétait le récit de son malheur, si bien qu'un jour Mélusine déclara à
ses surs: « Je suis d'avis, s'il vous semble bon, d'enfermer le parjure en la
merveilleuse montagne de Northumberland, appelée Brumblerio, d'où il ne sortira plus
jamais.» Ce qu'elles firent. Leur mère s'en montre très courroucée: «Toi Mélusine,
qui es l'aînée, tu sera la première punie. Désormais tu seras tous les samedis
Serpente au-dessous du nombril. Si toute fois tu trouves un hommes qui te veuille
épouser-à la condition de ne jamais te voir le samedi_, tu vivras le cours naturel d'une
vie de femme et tu mourras naturellement. De toutes façons de toi sortira une noble et
très grande lignée qui accomplira de belles et hautes prouesses. Mais si jamais tu te
sépares de ton mari, sache que tu retourneras au tourment d'auparavant sans fin». Sur
ce, elle punit aussi Mélior et Palestine et toutes 4 se séparèrent à jamais.
Mélusine s'en alla errer parmi les grandes
forêts et les bocages en quête de destin. Elle y rencontra le beau Raymondin. Bientôt
tous deux se trouvent, se regardent et se plaisent, et enfin s'épousent en grande
noblesse.
De ses amour Mélusine enfanta 8 fils, tous beau et bien bâtis. Excepté quelques
détails, celui-là avait de trop grandes oreilles, celui-ci un oeil plus haut que
l'autre, un troisième n'avait qu'un seul oeil, un autre en avait trois... Mais tous
devienrent puissant. Mélusine avait bel et bien fondé la noble lignée predite par
Persine. Le reste était à s'accomplir.
Pendant que Raymondin est à parcourir la Bretagne, Mélusine se fait bâtisseuse.
Elle entreprend maintes constructions. Elle édifie la château et la ville de Parthenay
sans ménager la pierre, elle fonde à La Rochelle les tours de garde de la mer et nombre
d'églises, chapelles et abbayes, si bien qu'à son retour Raymondin s'émerveille de ne
plus reconnaître Lusignan. Ensemble ils se font fête mais leur bonheur ne va plus durer
bien longtemps.
Comme il le lui avait promis, Raymondin
jamais ne s'était mis en peine de la voir le samedi. Mais son frère, le comte de Forez,
le jalousait tant qu'il lui médit alors: «Frère, votre femme tous les samedis est de
fornication avec un autre». A ces mots Raymondin entre en fureur, l'épée à la main il
se rend devant la porte interdite. Contre l'huis il applique la pointe fine et l'y tourne
tant qu'il fait un trou par où il peut apercevoir toute la chambre. Il voit dans une cuve
de 15 pieds de tour Mélusine qui était au-dessus du nombril en figure de femme en train
de se peigner le cheveux et au-dessous du nombril en forme de queue de serpent.
«Je viens mon amours, gémit Raymondin, de vous trahir à cause de la fourbe
exhortation de mon frère».
Hélas, la malédiction de Persine va les séparer pour toujours. Et d'un bond
Mélusine saute sur l'une des fenêtre de la chambre, aussi légèrement que si elle avait
eu des ailes, en poussant une très douloureuse plainte et se jette dans les airs. On ne
sut jamais ce qu'elle était devenue...
Jehan d'Arras, le romancier-biographe de
Mélusine, ajoute que de nombreuses fois elle revint la nuit bercer et caresser ses
enfants sous la forme d'une mère, à la vue des nourrices qui n'osaient rien dire.
Qu'elle les avertit de la mort de leur père, devenu ermite à Montserrat, en se montrant
à eux trois jours avant son trépas, tournoyant et poussant des clameurs douloureuses et
sauvages au-dessus des tours.
En réponse à la prophétie de Persine, la Fée Serpente se montre et se lamente
chaque fois que les biens de Lusignan changent de propriétaire ou qu'un héritier de sa
lignée va mourir.