Les Fées Lumineuses |
On peut difficilement la décrire tant
l'éblouissement est grand. Belle comme le jour, le soleil, la lune et les étoiles. Belle
comme l'aurore boréale et l'arc-en-ciel, la neige au couchant et la mer enflammée. Les
Incantadas (Fées Lumineuses) descendaient de leur colline pour faire leur lessive à la
rivière avec des battoirs d'or. Les plus grandes félicités étaient assurées à qui
parvenait à leur dérober un linge, mais ce n'était pas chose aisée car souvent le bras
du voleur se brisait comme du verre.
Quand le bien et le mal était en guerre, certains Esprits ne voulurent prendre parti
ni pour l'un ni pour l'autre. Après sa victoire Dieu garda avec lui les bons anges dans
le ciel, précipitant les démons en enfer, et pour punir les Esprits qui avaient gardé
la neutralité, il les exila sur terre où ils doivent se purifier par de fréquentes
ablutions. Ces Fées moitié ange moitié démons sont des Incantadès. Ces génies font
le bien jamais le mal.
Lorsque meurt le jour, la nuit s'illumine.
Les étoiles, les lucioles, les vers luisants sont les fleurs de mai de la haie endormie.
Le chemin perdu dans les ténèbres a besoin de phosphorescence pour se guider dans le
noir à travers bois et landes.
C'est l'heure de hantises et des Fées de la nuit qui, aux orbes d'argent des
fontaines, accourent s'habiller. De toutes ces manifestations des «Fées
Lumineuses», celle de l'Encantada est selon l'avis des «rêveurs de lumière» la «plus
bouleversante depuis les plus lointains jadis...»
Autrefois , en Espagne, les enfants quittaient le village à la brume du soir et
gravissaient un sentier forestier jusqu'aux pierres sacrées, admirer l'apparition de la
vieille Encantada. Ils s'asseyaient en cercle devant l'entrée de la grotte et attendaient
qu'elle paraisse.
D'abord on voyait le fond obscur de la cave tapissé de lierre et de liserons se colorer d'une «teinte de rose et d'aurore... de la fine clarté que prend le ciel aux prémices de l'aube», et une vois douce chantant des paroles mystérieuses parvenant de très loin s'approchait à mesure que s'intensifiaient les rayonnements. Toutes les variations de l'arc-en-ciel jouaient sur les parois tantôt rouges ou vertes, bleues, indigo, violacées, puis une lumière plus blanche que blanche absorbait toutes les couleurs et rayonnait sur la caverne ainsi qu'au-delà de ses environs. Les arbres, l'herbes, les branches sombres des sapins se décoloraient en étincelant comme neige au soleil... Tout devenait transparent, même la roche, même les vêtements et les corps de ceux qui attendaient. Tous les regards cherchaient dans cette lumière l'endroit précis d'où allait naître l'Encantada, car c'est du cur de cet éclat qu'allaient s'épanouir les formes de la Fée. Chacun retenait sa respiration et, dès que son visage se dessinait au milieu des étoiles, chaque poitrine laissait échapper un souffle de ravissement.
Le spectacle ne durait pas longtemps et ne
changeait jamais. L'Encantade regardait le parterre sans le voir souriait aux anges,
s'asseyait et avec des gestes lents coiffait silencieusement sa longue chevelure de
nébuleuse. Personne n'osait perler ni chuchoter. Engourdis par le charme des
éblouissances, les yeux écarquillés, les enfants restaient là jusqu'à ce qu'au
dernier coup de peigne un premier rayon s'éteigne. Elle ramassait les jonchures de ses
mèches autour d'elle; les regroupait en écheveaux pendant qu'imperceptiblement
pâlissaient ses contours. Enfin une fois son peigne enfoui dans les replis de sa robe,
elle se levait, souriait à nouveaux aux anges et, soufflant sa propre image,
disparaissait d'un coup.
Quand encore tout frissonnants d'émotion, les enfants redescendaient dans le noir,
il en manquait toujours un.