A l'Aube de la Parumerie
Moderne
A l'instar de l'art et de
l'industrie, le parfum va connaître de profondes mutations au XIXe siècle. L'évolution
des sensibilités, étayée par l'avènement de la chimie moderne, va dessiner le paysage
olfactif que nous connaissons aujourd'hui.
Le Révolution française n'avait en rien altéré le goût de la société pour les
parfums. Il y eut même une fragrance baptisée «Parfum à la guillotine»! Avec le
directoire, on osa à nouveau afficher son inclination pour tous les produits luxueux,
parfums compris. Enfin, l'Empire encouragea grandement l'utilisation des essences
parfumées, Napoléon et son entourage en étant eux-même de grands consomateurs.
Joséphine, qui avait hérité de sa jeunesse créole une passion pour les odeurs
marquées, fut même surnommée «la folle du musc». Son cabinet de toilette à la
Malmaison était tellement imprégné des odeurs mêlées de musc, de civette, de vanille
et d'ambre que 70 ans après on les respirait encore.
Plus tard, le romantisme mit à la mode les sels, inséparables compagnons des belles alanguies. Le second Empire et l'impératrice Eugénie remirent au goût du jour les parfums capiteux à base de patchouli, qui se dissipèrent peu à peu au profit de fragrances de plus en plus subtiles, fruit du travail des parfumeurs.
La
ville de Grasse s'imposa très vite comme le plus grand centre de production de matières
premières d'origine végétale, notament grâce à ses cultures de jasmin, de roses et
d'orangers. La cité était depuis longtemps en relation indirect avec la parfumerie par
les tanneries et la profession de gantier-parfumeur, qui glissa peu à peu vers la
profession de parfumeur à part entière. La création de parfumeurs grassois, en 1724, contemporaine de l'utilisation des premiers alambics modernes, spécialisa définitivement la ville. Entre 1770 et 1900, de grandes fabriques virent le jour, dont le noms marquèrent le passage à l'ère industrielle: C hiris (1768), L.T.Piver (1774), Lantier (1795), Roure-Bertrand-Dupont (1820), Sozio (1840), Robertet (1850) ou Payan-Bertrabd (1854). |
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Paris s'imposa très vite
comme le pendant commercial de Grasse et la ville phare du parfum. Outre les noms
d'Houbigant, de Lubin ou de L.T.Piver, on trouvait toujours l'enseigne Jean-Marie Farina.
Vendue à un certain Léonce Collas, elle fut ensuite cédée à deux cousins par
alliance, Armand Roger et Charles Gallet.
La maison Roger & Gallet joua un rôle central dans la parfumerie moderne grâce à
des parfums ambitieux, des savons de grande qualité - qui existent toujours - ainsi que
des emballages et des étiquettes d'une rare beauté.
Un autre nom apparut, qui allait donner naissance à une dynastie de parfumeurs: Guerlain. Pierre-François Pascal Guerlain, jeune médecin-chimiste, ouvrit en 1828 un magasin rue de Rivoli pour y vendre des poudres et des parfums personnalisés, parmi lesquels l'Eau de Cologne impériale, qui lui valut le titre prestigieux de «fournisseur de Sa Majesté l'impératrice Eugénie». Ses fils Aimé et Gabriel lui succédèrent terminant le siècle avec une création prestigieuse: Jicky.
Quand aux flacons, ils n'échappèrent pas non plus à l'industrialisation, même si elle fut progressive et n'exclut pas la qualité. Le cristal continua d'être très prisé: Bohême, France et Grande-Bretagne se distinguant dans cette technique du vaporisateur, en 1870, que l'on doit à l'écrivain gastronome Brillat-Savarin.
1: Flacon taillé dans un cristal de roche, avec une monture dorée surmonté d'un bouchon représentant le buste de Napoléon Ier, France, vers 1810. 2: Flacon de table en opaline marbrée agatisée, Georgenthal, Bohême, vers 1835. 3: Flacon cylindrique en argent doré richement décoré de perles et de turquoises, Russie, vers 1850. 4: Flacon en émail vert serti d'argent, marqué d'un poinçon de maître K.-F., Vienne, Autriche, XIXe - XXe siècle. 5: Flacon en émail, France, seconde moitié du XIXe siècle. 6: Flacon en porcelaine et argent, seconde moitié du XXe siècle. |