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 De la Réclame au Marketing  

 

Évoquer une odeur avec des mots n'est pas une chose aisée. On comprend alors la difficulté qu'il y a à trouver ceux qui sauront convaincre d'acheter un parfum. La fragrance en elle-m^me ne peut être qu'un argument ultime, au moment de l'achat dans le magasin. Il est donc nécessaire d'entourer le parfum d'un univers imaginaire, visuel et référentiel qui servira de support à sa personnalité.

Rêve fleuri. Cigalia de Roger&Gallet (1924). On remarquera la beauté et la finesse du coffert servant à contenir le flacon: en lamelles de bois, il figure 2 cigales en vis-à-vis aux ailes nervurées, le relief est gaufré, la platine en bronze et le titre a été réalisé en pyrogravure. L'Eau de Cologne, Jean-Marie Farina que Roger&Gallet vend toujours sous le nom d'Extra-vieille.
Dès la fin du siècle dernier, les parfumeurs comprirent la nécessité de soigner les emballages et les étiquettes des parfums. La maison Roger & Gallet, qui joua un grand rôle dans la parfumerie moderne, était particulièrement talentueuse pour confectionner ses emballages

A la fin du siècle dernier, l'essor de la parfumerie coïncida avec les début de la publicité. Pourtant à cette époque, il n'y avait guère que le graphisme des étiquettes, la qualité des bouchons et des emballages qui changeaient. On vendait alors avant tout le contenu, le récipient n'étant finalement là que par stricte nécessité.

Les noms eux-mêmes reflétaient de la façon la plus directe la composition du produit: Jasmin, Rose de Molinard, Violette pourpre ou Fougère royale de Houbigant, etc...
Quand aux étiquettes, elles s'ornaient tout naturellement de motifs floraux en rapport ou de femmes à keur toilette se parfumant.
Acheter un parfum était un acte simple, le produit était clairement décrit par son étiquette, les contenants avaient les formes standard des potions vendues en pharmacie, à la différence des beaux flacons, objets de valeur acquis séparément que l'on remplissait indifférement de tel ou tel parfum.

On commença à concevoir des produits à la personnalité plus tranchée, s'adressant à des public choisis. Ce fut le début des parfums pour jeunes filles ou pour femmes, pour le jour ou pour la nuit, pour l'été ou pour l'hiver. Cette multiplication des fragrances et des clientèles visées s'accompagna tout naturellement d'une individualisation beaucoup plus marquée des noms et des emballages.


A partir des années 10, la grande majorité des nouveaux parfums adopte une approche globale où le nom et la forme du parfum tissent le même univers imaginaire : Scarabée de L.T. Piver, dont le flacon est en forme de coléoptère, Nuit de Chine des parfums Rosine, dont le flacon, la boîte et le graphisme évoquent ce pays, Ambre antique de Coty, dont le très beau flacon Lalique présente une silhouette de femme drapée dans une toge ...
Après les périodes où l'imagination se débride et explore parfois les limites du bon goût, les avants-gardes reviennent généralement à beaucoup plus de sobriété, voire d'austérité. C'est dans les années 20 que Gabrielle Chanel révolutionna la parfumerie avec son N°5. Outre l'emploi audacieux d'aldéhydes dans la composition et le choix du nom le plus neutre qui se puisse imaginer à une époque où fleurissaient les Toujours moi, Nuit de Noël ou Rêve d'or, le flacon est une affirmation esthétiquement parfaite de la simple fonction de contenir. Son dépouillement et l'efficacité de ses lignes lui ont permis de traverser les décennies et de rester en tête des meilleures ventes mondiales, même si la grande maison avoue que le flacon est remanié en douceur régulièrement.

Devant le succès foudroyant du N°5 de Chanel, d'autres parfumeurs n'hésitèrent pas à s'inspirer très directement du nom. Ainsi Molyneux lança Le Numéro Cinq avec un aplomb que l'on ne se permettrait plus sans doute aujourd'hui, Alice Choquet donna à l'une de ses compositions le nom de Double Cinq et Henri Bendel alla jusqu'à baptiser une fragrance Cinque, triple cinque.

La mode du numéro était lancée et, plus tard, beaucoup de parfumeurs utilisèrent un chiffre ou un nombre (Le Dix de Balenciaga, 1 000 de Jean Patou) qu'ils associèrent parfois à leur patronyme (Givenchy III, Azzaro 9, Scherrer 2, Gucci n°3 ...) De son côté, Chanel lancera le N°22, puis le N°19.
Si Coco Chanel brilla dans le monde de la mode d'avant-guerre, elle n'en eut pas moins une rivale de talent, la baronne Elsa Schiaparelli. Cette Italienne dotée d'une forte personnalité, eut tôt fait de séduire grâce à une mode originale qui frôlait l'excentricité et d'où n'était pas absente l'influence de ses amis dadaïstes puis surréalistes. Sa couleur préférée était un rose soutenu, qui fut baptisé par son ami le couturier Paul Poiret «rose shocking» La couturière décida que tous ses parfums porteraient un nom commençant par la lettre S, l'initiale de son nom. C'est ainsi qu'elle lanca en 1928 «S», qui n'eut pas le succès espéré, puis en 1933, Shiap, Slalut et Soucis. La période allant de 1936 à 1938 fut certainement la plus créatrice pour la styliste. Elle lança d'abord Shoking, avec un étonnant flacon d'inspiration à l'évidence surréaliste, qui représentait un mannequin de couturière empruntant ses formes à May West, l'une de ses clientes. Sleeping, le parfum suivant, avait la forme d'un bougeoir surmonté d'une bougie allumée, le bouchon de cristal rouge figurant en flamme.

Joy de Jean Patou (1930).

 

A gauche : la publicité américaine qui immortalisa le parfum «le plus cher au monde»

A droite : la publicité actuelle réaffirme l'univers de Joy avec le même message mais l'élitisme y est traduit avec humour et gaité. Le luxe est toujours vendeur..

 

Aujourd'hui porter une fragrance sur les fonts baptismaux n'est pas simple. Cela se complique même d'année en année. Le marché étant maintenant mondial, la première difficulté est de trouver un nom aisément prononçable dans toutes les grandes langues et qui n'offre de connotation gênante dans aucune d'entre elles. La seconde et la plus contraignante, est d'en devenir prpriétaire. Quand on sait que des ordinateurs fonctionnent en permanence pour composer tous les noms aux assonances plaisantes au bénéfice des sociètés qui les déposent pour le monde entier, on comprend que dénicher la perle rare relève du miracle.

Cela c'est produit avec Opium et Poison de Christian Dior, noms compréhensibles des deux côtés de l'Atlantique et non protégés, sans doute parce que personne n'avait imaginé que des parfums puissent se   nommer ainsi. Plus traditionnel, Ysatis de Givenchy, aux consonances douces et féminines, doit son nom au travail d'un ordinateur qui combina Yseult et Isis.


La plus part du temps, les noms pressentis sont déjà déposés. Après 5 années sans utilisation, une procédure de «déchéance» est possible, mais le plus souvent une transaction amiable permet d'obtenir les droits. Un bon nom vaut parfois plusieurs millions de francs et des «dépôts défensifs» sont effectués pour le protéger des imitations. Autour de Poisson, Christian Dior a de la sorte déposé une barrière de protection composée de Venin, Vitriol, Serpent et de quelques autres. Autre vecteur essentiel du succès d'un parfum, le packaging. Ce mot barbare désigne le flacon, la boîte et parfois la publicité sur les lieux de vente (PLV). A Lalique, qui participa à l'essor de la maison Coty, ont succédé d'autres grands créateurs de flacons. On les nomme aujourd'hui «désigners».

Tout à la fois artistes et techniciens les designers
de flacons jouent un rôle capital dans la réussite
d'un parfum : matérialiser un rêve.

Leur premier travail est de percevoir la personnalité du couturier ou du parfumeur, de s'imprégner de l'univers imaginaire que devra projeter le parfum. La deuxième étape consiste à matérialiser un rêve, à figer une aura dans des matériaux tangibles et parfois rebelles au pur concept.
Trouver la nuance exacte d'un verre coloré, la graduation d'un verre dépoli ou la courbure d'un bouchon nécessite la fabrication de nombreuses maquettes et prototype. Cette tension entre rêve et matière, entre légèreté créatrice et lourdeur industrielle, fait le quotidien des designers.

Shalimar de Guerlain. Shalimar de Guerlain.
L'apparition de l'image de la femme dans la publicité remonte aux années 50. C'est à partir de cette date que l'on commence à cibler une clientèle précise: femme sportive, femme fatale,etc...
A gauche le «Cupidon»n crée en 1959 par le dessinateur Charnotet, nous rappelle que l'usage de la photographie en publicité ne devient courant qu'à partit des années 60.
A droite, l'une des dernière publicité de Shalimar de Guerlain joue la carte «des femmes sensuelles et séductrices prêtes à s'afficher»

 

Femme de Marcel Rochas.
40 ans séparent ces 2 publicités pour Femme de Rochas. C'est la qualité du parfum qui est mise en valeur en 1950 : «le meilleur parfum au monde». En bas, l'affiche a reçu le prix de la meilleure campagne de publicité en 1990.

 


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