Chasse aux Sorcières


La sorcellerie à toujours existé, par contre la «chasse aux sorcières» est un phénomène historique spécifiquement modern, par lequel d'innombrable êtres humains (surtout des femmes) furent soumis à d'abjectes tortures par leurs semblables (surtout des hommes) et condamnés à une mort atroce pour des «crimes» que nous considérons aujourd'hui comme parfaitement imaginaires. Elles ne  furent pas persécutées par la populace, mais bien par les hommes les plus cultivés, religieux et érudits de leur temps.  Au début du Moyen-Age, l'Eglise soutenait officiellement que le vol des sorcières à travers les airs était une illusion créée par la Diable; mais au début de la période moderne, du XIV éme au XVII éme siècle, la doctrine officielle de l'Eglise sur ce sujet  se transforma, et il devint hérétique de ne pas croire que le vol des sorcières avait effectivement lieu. Des centaines de milliers de personnes - des femmes dans 80% des cas - furent  brûlées parce qu'elles avaient «confessé» (sous d'abominable tortures) ce qui était officiellement impossible, 500 ans auparavant : à savoir qu'elles volaient à travers les airs pour participer à des Sabbats où elles retrouvaient le Diable, avaient des rapports sexuels avec lui, et lui juraient fidélité éternelle.

On eut recours à la torture pour fabriquer les indispensables boucs émissaires. Quand au XVIII ou XIV éme siècle il devint inutile de faire jouer aux sorcières le rôle de bouc émissaire, le personnage de la sorcière fut relégué dans les nouvelles, les poèmes et les mythes - pour être ressuscité, au début du XX éme siècle, par une moyenne et grande bourgeoisie éduquée, lassée des religions conventionnelles et désireuse de faire revivre les dieux baroques de l'Antiquité.

Sous la torture ... 

Au cours des 3 siècles que dura la chasse aux sorcières, les tortures infligées pour arracher des «confessions» aux prétendues sorcières furent si horribles qu'on hésite même à les décrire.
En tout cas dès que l'accusation de «sorcière» était proférée, la malheureuse femme n'avait aucune chance de sauver sa vie...

La seule question était de savoir combien de temps dureraient ses tortures, combien d'autres femmes seraient compromises et si la prétendue sorcière serait magnanimement étranglée avant d'être brûlée.

A quoi pouvait s'attendre une sorcière après qu'on lavait accusée ?

Au bas mot à des épreuves comme celle de la «nage» - vestige de l'épreuve par l'eau pratiquée dans l'Antiquité - ou bien le pesage et le piquage, au pire, des tortures comme l'estrapade, les poucettes, les brodequins, la Vierge Noire. Dans la nage, on ligotait les mains et les pieds de l'accusée, puis on jetait son corps dans l'eau. Si elle coulait, elle était présumée innocente; si elle flottait, elle était l'enfant du démon (l'eau bénite l'avait rejetée).

Le pesage consistait à peser la sorcière en utilisant comme poids une bible ou d'autres objets, si elle était plus lourde ou plus légère, elle était déclarée coupable. Dans le 1er cas un esprit chthonien la possédait, et dans le 2éme, il s'agissait d'un esprit du feu.

Le piquage, les chasseurs de sorcières recherchaient sur le corps de l'accusée les endroits nommés «marques du diable» et par conséquent insensible à la douleur. Certains inquisiteurs, désireux de trouver des victimes à tout prix allaient jusqu'à se servir d'aiguillons rétractables: quand on pressait sur la pointe, la lame glissait dans le manche et l'absence de réaction de la sorcière devenait la «preuve» de sa culpabilité.

L'estrapade, consistait à nouer les bras de la victime derrière son dos, suspendre des poids à ses pieds, puis la hisser brutalement en l'air plusieurs fois de suite, jusqu'à ce qu'elle avoue ou meure.
Dans les poucettes, on enfonçait des pointes sous les ongles de la victime.
Quand à la
Vierge Noire (invention des chasseurs de sorcières allemands), c'était une sorte de sarcophage monté sur charnières, hérissé de pointes qui perçaient la sorcière sans la tuer quand on le fermait sur elle.

Quelques questions posées aux sorcières
Les questions posées sous la tortures aux prétendues sorcières se ressemblaient tant qu'elles expliquent, à elles seules, la ressemblance des «confessions».
L'auto-accusation était inévitable et quand le procès avait commencé, on ne pouvait échapper à la torture, puis ... à la mort.
Imaginez ces questions posées durant les tortures brutales et ingénieuses décrites plus haut :
Depuis combinent de temps es-tu une sorcière ?
Pourquoi es-tu devenue une sorcière, et que s'est-il passé ce jour-là ?
Quel démon as-tu choisi de prendre pour amant ?
Comment s'appelait-il ?
Comment s'appelait ton maître parmis les démons maléfiques ?
Quel a été le serment que tu as dû lui prêter ?
Comment as-tu trouvé ce serment, et quelles étaient ses conditions ?
Où as-tu consommé l'union avec ton incube ?
Quels démons et quels autres humains participaient au Sabbat ?
En quoi consistait le banquet du Sabbat ?
Quel marque du Diable ton incube a-t-il laissé sur ton corps ?
Quels torts as-tu causé à telle ou telle personne, et comment t'y es-tu pris ?
Qui sont les enfants sur qui tu as jeté un sort ?
Qui sont tes complices dans le mal ?
Quelle est la composition de l'onguent dont tu enduis le manche de ton balai ?
Comment fais-tu pour voler dans les airs ?

L'un des facteurs permettant peut-être d'expliquer la «chasse aux sorcières» est ce fait que la période de la plus grande persécution des sorcières suit immédiatement la périodes de persécution des hérétiques.
D'autant qu'on a accusé des mêmes  crimes sexuels les sorcières et des sectes hérétiques comme les Albigeois ou les Vaudois et que le costume traditionnel de la sorcière emprunte beaucoup à celui de l'hérétique. Les sorcières comme les hérétiques menacèrent le primat de l'Eglise en osant prétendre à une révélation personnelle de la divinité. Les sorcières se passaient du prêtre, intercesseur entre Dieu et ses ouailles - et pour cette simple raison elles étaient mûres pour le bûcher.

Qu'est ce qu'une hérésie ?

Selon St Thomas d'Aquin, l'hérésie est «une erreur religieuse dans laquelle on persiste sciemment, bien que l'Eglise ait défini et proclamé la vérité de manière péremptoire.
En 1912, le concile de Latran décréta que tous les hérétiques seraient non seulement excommuniés, mais punis de mort. Cette conception, selon laquelle on pouvait (et devait) mettre à mort des gens à cause de ce qu'ils croyaient (ou refusaient de croire), posa les fondements théologiques des chasses aux sorcières ultérieure. La sorcellerie était une hérésie - par conséquent passible de mort.
Pour comble d'ironie, «hérésie» vient d'un mot grec signifiant «libre choix»