Bestiaire de la Sorcières

 

Les informations relatives aux démons familiers, costume, équipement, charmes, sabbats, vols et lieux de prédilection des sorcières transcendent tous les clivages entre théorie ou théoriciens pour constituer l'encyclopédie mythique d'un savoir commun - ou peut-être devrions-nous parler d'un fantasme commun de la sorcière ..
Derrière ce fantasme se cachent des vérités sur nous-mêmes, des vérités sur la société humaine, mais ce fantasme en tant que tel est prodigieux, riche, drôle absurde et parfois non dénué de quelque horreur.

Le familier ou «esprit familier» était un animal domestique courant donné à la sorcière par le Diable - selon l'Inquisition - pour l'aider à accomplir ses maléfices.

 

En réalité, cet animal était un lutin déguisé, un démon mineur, dont la fonction consistait à servir celles qui avaient pactisé avec Saton (un peu comme un valet de pied). Le familier accomplissait les tâches mineurs et mauvaises, sautait par-dessus les clôtures infranchissables pour la sorcière, se dissimulait en des lieux ou elle-même ne pouvait pas se cacher. Tout animal risquait d'être suspecté d'être un familier. Chat.

Chiens, chats, abeilles, souris, chauves-souris - tous furent cités au cours des procès de sorcellerie. Les familiers portaient les noms les plus farfelus. Divers procès de sorcières anglaises mentionnent un chat gris nommé Tittey, un crapaud noir nommé Pigin, un agneau noir, Tyffin, un chien noir, Suckin et un «lion rouge», Lyerd.

Il y avait aussi leurs lutins associés, appelés Le Grand Dick, Le Petit Dick, Willet, Pluck, Catch, Holt, Jamara, Ton Vinaigre, Pyewackett, Grizzel et Vorace. On croyait que les lutins se nourrissaient de sang humain en tétant les mamelons de la sorcière.

Au 17 éme siècle, la moindre excroissance de chair ( du genre petite verrue, polype ou kyste) constituait la «preuve» majeure de la culpabilité d'une malheureuse femme. Comme l'examen de n'importe quel corps humain permet de localiser ces fameux «mamelons de sorcière», dès que l'accusation de sorcellerie était formulée, la coupable présumée avait une chance infime de prouver son innocence .

Pourquoi les familiers avaient-ils une telle soif de sang humain ?
La science du 17éme siècle fournit l'explication suivante : les petits démons «se vaudraient dans une telle débauche», que leurs corps souffraient d'une «continuelle pénurie de particules», moyennant quoi ils avaient besoin de «s'alimenter pour combler la place laissée vacante par les atomes fugaces» - ce qu'ils faisaient en suçant le sang des sorcières ! Cette description des appétits sanglants des familiers fut réellement publiée dans un traité «scientifique» vers 1681, par un certain Henry Hallywell, licencié ès lettre, Université de Cambridge.

Il ne faut surtout pas oublier que, jusqu'à une date récente, tous les programme universitaires, scientifiques, médicaux et littéraires, étaient sous la coupe de l'Église et par conséquent destinés à propager son idéologie.

Durant les siècles de la chasse aux sorcières, les autorités scientifiques, médicales et littéraires conspirèrent ensemble pour qu'une femme accusée de sorcellerie ne pût échapper à la mort. Non seulement on emprisonnait et enchaînait, au sens propre, la sorcière mais toute l'idéologie de l'époque justifiait cet emprisonnement, au nom de la science et des autres domaines de la connaissance.

Si aujourd'hui, nous trouvons risible que des hommes cultivés et intelligents aient pu croire à des absurdités comme les mamelons de sorcières ou les atomes fugaces, c'est que nous avons perdu du vue le contexte dans lequel on fit ces découvertes.
C'était un monde ou les mythes chrétiens et la misogynie chrétienne avaient posé les frontières. L'univers de la Chasse aux Sorcières est plus proche que nous le croyons. Nous ne pouvons certes plus accuser nos animaux domestiques de pactiser avec Satan, mais nous accusons constamment nos semblables...

Peut-être le familier fut-il simplement une version abâtardie de l'animal sacré, commun à tant de cultes antiques. Le chat sacré des Égyptiens est peut-être l'ancêtre mythique du chat de la sorcière...

Du Dieu au Démon ... Quel triste déclin !